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La Bulgarie et la Roumanie rejoignent partiellement l’espace Schengen : décryptage

Écrit par : Jean-Joseph Rivouchy 
Date : 16/01/2024

L’assurance voyage est obligatoire pour obtenir un visa Schengen 

La Bulgarie et la Roumanie, pays intégrés à l’Union européenne depuis 2007, ont enfin obtenu le feu vert unanime des 27 pays membres pour rejoindre l’espace Schengen à compter du 31 mars 2024 . Attention cependant, cette intégration est, pour le moment, partielle. On vous explique tout ce qu’il y a à savoir sur la question !

 

En pratique que signifie l’arrivée de la Bulgarie et de la Roumanie dans l’espace Schengen ?

À compter du 31 mars 2024, les citoyens bulgares et roumains pourront circuler librement dans l’espace Schengen, c’est-à-dire sans contrôle aux frontières. Avec une restriction importante cependant : cela ne concerne que les entrées dans l’espace Schengen par voies aérienne ou maritime et exclut les frontières terrestres, où les citoyens de ces deux pays seront soumis aux contrôles aux frontières. Il ne sera donc toujours pas possible de rallier librement par la route Athènes depuis Brest en traversant la Roumanie et la Bulgarie ! 

C’est donc une intégration partielle, inédite, qui a été annoncée dans les dernières heures de 2023 par l’Union européenne après l’avoir été par les deux pays concernés quelques jours plus tôt. Afin de comprendre cette décision, il est nécessaire de revenir sur l’historique de cette démarche d’intégration.

Les coulisses de 13 ans de négociations qui ont enfin abouti en 2023

La Bulgarie et la Roumanie, anciens pays du bloc communiste, ont rejoint l’Union européenne le 1er janvier 2007, soit seulement 7 ans après la chute du mur de Berlin et du bloc soviétique fin 1989. Dès 2011, ils étaient "prêts" selon les critères établis par l’Union européenne, à intégrer l’espace Schengen. Des négociations furent alors entamées avec les pays membres pour préparer cette intégration. 
Les pays les plus réticents à leur entrée dans l’espace Schengen étaient les Pays-Bas et surtout l’Autriche, cette dernière ayant tout simplement exercé son droit de véto alors que cette décision requérait l’unanimité des membres. Ces deux pays reprochaient à la Bulgarie et à la Roumanie de ne pas appliquer avec suffisamment de rigueur les règles européennes en matière de contrôle aux frontières et de demandes d’asile, notamment face à l’afflux de réfugiés syriens et afghans. 

La situation s’est tendue lorsque la Croatie a été accueillie dans l’espace de libre circulation, le 1er janvier 2023, tandis que la Bulgarie et la Roumanie restaient à la porte du fait du veto autrichien. 

Afin de sortir du blocage et de renforcer la sécurité et l’unité européennes, à l’heure où la guerre gronde sur le flanc est de l’Union, l’Autriche a fait un pas vers une solution et proposé un dispositif transitoire qualifié de "Air Schengen", où les contrôles seraient levés dans les aéroports et dans les ports mais maintenus pour tous les passages de frontières terrestres. Des négociations ont été engagées sur cette base entre les trois pays pour finalement aboutir fin 2023. 

L’accord négocié comprend des garanties fournies à l’Autriche de la part des deux pays entrants mais également des autorités européennes. La Bulgarie et la Roumanie se sont engagées à assurer une meilleure prise en charge des demandeurs d’asile et notamment, ce qui est la règle dans l’espace Schengen, que la demande d’asile soit effectuée auprès du pays d’entrée. L’Union européenne de son côté devrait tripler le nombre d’agents Frontex dans ces deux pays pour renforcer le contrôle aux frontières extérieures, avec un effort particulier porté sur les frontières entre la Bulgarie et la Turquie d’une part et entre la Roumanie et la Serbie d’autre part. Elle a en outre débloqué des crédits pour le financement d’infrastructures de protection des frontières. 

Il a été décidé que les conditions d’une entrée complète dans l’espace Schengen de ces deux pays feraient l’objet de nouvelles discussions durant l’année 2024.

L’espace Schengen, la Bulgarie et la Roumanie : carte d’identité

L’espace Schengen, au sein duquel plus de 400 millions de personnes peuvent voyager librement sans contrôle aux frontières intérieures, comprend 23 pays membres de l’Union européenne (les 27 moins la Bulgarie, la Roumanie, Chypre et l’Irlande) plus les 4 États associés que sont la Suisse, la Norvège, l’Islande et le Liechtenstein. 

La Bulgarie est un pays des Balkans situé à l’est de l’Europe, au bord de la Mer Noire, qui compte 7 millions d’habitants pour une surface de 111.000 km². Il partage ses frontières avec la Roumanie, la Serbie, la Macédoine, la Grèce et la Turquie. Sa capitale est Sofia. 

La Roumanie se situe juste au nord de la Bulgarie, elle aussi bordant la Mer Noire, et recense une population de 19 millions d’habitants pour une superficie de 238.000 km². Elle est frontalière de l’Ukraine, la Moldavie, la Hongrie, la Serbie et de la Bulgarie. Sa capitale est Bucarest. Il est à noter que le roumain et l’italien sont des langues très proches, ce qui a conduit au fil du temps de nombreux roumains à émigrer vers l’Italie et à s’y installer. Ainsi la communauté roumaine représente le plus important groupe d’étrangers vivant en Italie (21 % du total des résidents nés à l’étranger).

Quelles sont les conséquences pratiques de cette intégration pour les voyageurs ?

Outre la libre circulation pour les citoyens bulgares et roumains dans les autres pays de l’espace Schengen et inversement pour les citoyens des pays Schengen en Bulgarie et Roumanie, cette intégration signifie pour les voyageurs que la Bulgarie et la Roumanie devraient rapidement aligner leur processus d’attribution de visas sur celui qui est commun à tous les pays de l’espace Schengen, en particulier pour le visa court séjour qui est le plus fréquent. 

Malgré cette avancée historique, il demeure une forte attente autour de l’intégration totale à l’espace Schengen de la Bulgarie et de la Roumanie et de la libre circulation terrestre, qui est de loin la plus importante en volume. Évidemment pour les personnes individuelles mais également pour le développement économique de ces pays. 

En effet, la Bulgarie et la Roumanie étant membres de l’Union européenne, la circulation des marchandises est libre avec les autres pays de ce grand marché européen, et celles-ci empruntent souvent la route. En revanche, les chauffeurs des poids lourds qui les transportent sont, eux, soumis aux restrictions de circulations, ce qui conduit à l’immobilisation de cargaisons aux frontières pendant de longues heures, freinant ainsi les échanges avec ces deux pays et leur expansion économique. 

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Pourquoi tous les pays de l’Union européenne ne font-ils pas automatiquement partie de l’espace Schengen ?

Autour de la notion de communauté européenne se sont en réalité construits plusieurs types d’unions. Schématiquement, l’Union européenne est une zone de libre circulation des marchandises c’est-à-dire sans taxe et droit de douane pour les échanges commerciaux. La zone Euro est une zone dont la monnaie est commune. L’espace Schengen est une zone de libre circulation des personnes sans contrôles aux frontières intérieures. Certains pays adhèrent à tous ces espaces (comme la France), certains à deux, certains à un seul.

Quand la Bulgarie et la Roumanie seront-elles entièrement intégrées à l’espace Schengen ?

Pour le moment la libre circulation dans ces pays et pour les ressortissants de ces pays dans l’espace Schengen est limitée aux voies aérienne et maritime. Il n’y a pas de date arrêtée pour l’extension aux frontières terrestres, simplement un calendrier de discussion prévu en 202

Y a-t-il d’autres pays faisant "partiellement" partie de l’espace Schengen ?

Non. Cette notion d’intégration partielle est inédite et a été imaginée pour sortir du blocage créé par le veto de l’Autriche à l’intégration complète de ces deux pays. Pour les 27 autres pays de l’espace Schengen, la circulation n’est pas limitée pour leurs ressortissants. En revanche, pour les citoyens de pays ne faisant pas partie de l’espace Schengen et ayant besoin d’un visa pour y accéder, il est possible que le visa qu’ils obtiennent soit limité à certains pays. Mais ce sont des cas particuliers, pas la règle.